Perray-Vaucluse : l'agonie d’un sanctuaire de la désolation
Après des années de lente agonie, l'hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse est devenu un musée à ciel ouvert où la lumière, la poussière et le temps sont les seuls curateurs.
PSYCHIATRIE
Frédéric Vacher


Le délabrement de Perray-Vaucluse n'est pas encore achevé. Pour le moment, c’est encore une métamorphose. Et pour l'œil du photographe, ce n'est pas une victoire du temps sur le bâti mais la révélation d'une beauté et d'une esthétique brute de la désagrégation. Chaque fissure raconte une histoire.
La poésie de l’effritement
Les façades de briques ou de pierres ont acquis une profondeur insoupçonnée. La pluie, la mousse, les lichens et la pollution y ont dessiné des larmes qui racontent beaucoup plus que l'impuissance des gouttières. Le temps grave son passage.
Quelques ouvertures béantes dans les toits laissent filtrer des puits de lumière. Ils modèlent les volumes en révélant la texture des murs craquelés et le grain des bois pourris. L'obscurité des coins contraste avec ces halos en créant une tension dramatique.
L'intimité des espaces intérieurs
C'est à l'intérieur que l'âme des lieux, transformée par l'abandon, se dévoile.
Les peintures murales ont viré au sépia, au vert pâle et au bleu délavé. Elles se détachent par plaques et révèlent des couches de temps superposées. Ce sont les strates géologiques de la mémoire.
Le mobilier éventré, les lits rouillés, les chaises renversées et les dossiers éparpillés ne sont pas un désordre mais une recomposition surnaturelle. Chaque objet semble avoir été placé là par une main invisible pour figer une scène du passé. Partout la poussière agit comme un filtre doux qui unifie l'ensemble dans une atmosphère onirique.
L'écho des vies passées
Pour l'artiste, le délabrement garde l’écho des vies qui ont traversé ces lieux. Une chaussure solitaire, un origami oublié, une lettre froissée, ces objets anecdotiques deviennent les vestiges d’une humanité abandonnée.
La nature reprend ses droits. Les racines fendent les dalles de béton. Le lierre escalade les murs. Les arbres poussent librement dans les cours intérieures. Tout cela crée une fusion organique entre l'architecture et l'environnement. Le végétal devient le sculpteur de la ruine.
Perray-Vaucluse n'est plus un hôpital asilaire en souffrance. C'est un sanctuaire de la désolation. Et pour l'œil qui sait y déceler non pas une fin, mais une forme de commencement, chaque cliché est une tentative de capturer l'âme de ces murs avant qu'elle ne disparaisse à jamais.











